« Est-il possible de faire avec la multitude une collectivité d’hommes libres
au lieu d’un rassemblement d’esclaves ? »
(Gilles Deleuze)
Quand on revient de loin, quand on a certes un trouble psychique considéré comme handicapant mais qu’on sait le gérer, quand on se considère bien, voire très bien stabilisé, il vient souvent l’idée de partager son expérience, d’en faire bénéficier d’autres par soucis de solidarité, voire de s’engager plus avant dans une action un peu beaucoup militante…
Surtout quand on constate la stigmatisation et la discrimination que vivent la plupart des personnes concernées par un trouble psychique en France qui sont, de fait, souvent exclus de la vie citoyenne.
2/3 des Français s’estiment insuffisamment informés sur la santé mentale et les troubles psychiques. 47% d’entre eux associent les maladies mentales à des dénominations négatives : débile, attardé, aliéné, dément…
Parmi les trois pathologies étudiées plus spécifiquement, la schizophrénie est sans nul doute appréhendée avec le plus de circonspection : 74% des français considèrent qu’un schizophrène représente un danger pour lui-même, 65% pour les autres. Pourtant, seulement 0,2% des schizophrènes sont potentiellement dangereux pour les autres.
De la même manière, 56% des français refuseraient de travailler avec une personne atteinte de schizophrénie, alors que 80% accepteraient de travailler avec une personne autiste, et 67% avec un maniaco-dépressif.
Autres chiffres…
Il y a 12.000 morts par suicide par an, soit un mort toutes les 40 minutes. 1% de la population française souffre de schizophrénie. 1% de la population française souffre de troubles bipolaires. Il y a 350.000 à 600.000 personnes souffrant de troubles autistiques en France.
Le handicap psychique est le premier poste de dépense hospitalière – la première cause d’invalidité – et le deuxième motif d’arrêt maladie.
Or, seulement 2% de la part de l'investissement total en santé et 2 % du budget de la recherche biomédicale sont consacrés aux troubles psychiques.
(source : « Perception et représentation des maladies mentales », enquête menée par Ipsos Public Affairs pour FondaMental, dans le cadre des Rencontres de Fondamental - Palais du Luxembourg, Paris, 4 et 5 juin 2009)
Force de ce constat peu positif, on peut avoir envie de s'exprimer. De faire entendre son point de vue. De s'engager aussi plus avant. Même s'il existe plusieurs manières de le faire. A différents niveaux. En individuel comme en collectif.
On peut décider de rencontrer d’autres usagers ; en participant à une association créée et gérée par eux – en participant à un GEM où la rencontre avec d’autres pairs peut inciter à développer des actions de solidarités – voire en se proposant comme pair-aidant, soit officiellement (cf. la mise en place de médiateurs de santé pair sur trois régions de France), soit officieusement, en donnant un coup de main à une personne rencontrée par exemple lors d’une hospitalisation.
On ne peut pas toujours se permettre de faire son « coming out », surtout quand on travaille, de peur d’être alors discriminé, ou que le regard des autres soit tout simplement biaisé. Même si pour autant, on a conscience qu’en vivant ainsi masqué, on participe d’une certaine manière au manque d’informations sur les troubles psychiques. La plupart des français ne retiennent que ce que les médias leur donnent comme infos, or ces derniers véhiculent très souvent des images déformées, fausses, souvent racoleuses, sur les troubles psychiques. Et il en existe encore bien trop rarement des articles de fond sur des parcours positifs d’usagers en santé mentale sachant gérer leur maladie au mieux (cf. concepts de rétablissement et d’empowerment).
Pourtant, c’est aussi via la société que les choses bougeront (cf. concept d'inclusion sociale), et il est important que les usagers en santé mentale y jouent un rôle et s’impliquent en tant que citoyens, désireux de faire bouger les politiques de santé, et de lutter contre la stigmatisation dont ils sont souvent victimes.
On peut ainsi décider de participer à des actions d’information et de sensibilisation, via des événements informatifs si ce n’est festifs en lien avec la santé mentale, comme ce que proposent les SISM, la Mad Pride, les Mad days, ou des associations comme les couleurs de l’accompagnement. Via aussi des rencontres, des débats, des formations, même en petits groupes…
On peut aussi vouloir s’impliquer plus avant dans les politiques médico-sociales et/ou de santé, donner par exemple son avis sur certains fonctionnements d’établissements ou des dispositifs, via des structures comme les Conseils de la Vie Sociale et/ou les Conseils Locaux de Santé Mentale (souvent portés par des Ateliers Santé Ville).
Mais l’engagement peut aussi se faire au quotidien, dans un travail d’information et de sensibilisation des proches aux troubles psychiques.
C’est donc un chacun de trouver l’engagement qui lui convient le mieux, sans culpabiliser si cela se fait d’une manière qui lui semble modeste. C’est aussi en marchant, petit pas par petit pas, à son rythme, qu’on avance et qu’on fait bouger les choses…