Il existe depuis longtemps des structures, notamment associatives, créées et gérées par et pour les usagers (« peer led and peer run services »), notamment aux USA, au Royaume Uni, au Canada et aussi dans des pays comme la Grèce, le Pérou, l’Argentine, la Nouvelle Zélande, l’Australie et bien sûr la France.
Mais les dispositifs favorisant le recrutement et la formation de pairs aidants rémunérés au sein de services hospitaliers de santé mentale sont beaucoup plus récents, et ont d’ailleurs du mal à s’implanter dans certains pays, comme la France.
Ce sont les premiers à avoir expérimenté ce genre de dispositif, dans des Etats comme la Georgie et la Caroline du Sud.
Suite à ces expériences, l’Association nationale des directeurs de programmes d’Etats pour la santé mentale (National Association of State Mental Health Program Director) a reconnu officiellement en 1989 la contribution unique des pairs-aidants et accepter de financer pour la première fois des programmes d’embauche d’usagers en santé mentale.
Par la suite, les pairs aidants ont été reconnus au même titre que les autres professionnels soignants et rémunérés sur la même base.
Un programme a vu le jour au Colorado à la fin des années 80, le « Programme Denver ».
Une quinzaine d’usagers ont été formés pour travailler comme auxiliaires pair-aidants dans des équipes de suivi ambulatoire. Mais leur intégration a été mal préparée et du coup mal vécu par ces pair-aidants.
Leurs critiques se sont notamment portés sur le fait qu’ils n’avaient pas vraiment de fiche de fonction (absence de description des tâches à effectuer), entraînant du coup une confusion des rôles avec les autres professionnels soignants qui les ont ignorés et mis à l’écart pour la plupart.
De plus, leur statut d’auxiliaire et le salaire qui va avec (moins élevé que pour leurs collègues) leur a donné l’impression d’être considérés comme une main d’œuvre bon marché.
Et pour finir, ils avaient aussi l’impression que le point de vue « diagnostic » primait dans les réactions des autres à leur égard.
Cette expérience a eu le mérite de mettre en évidence la nécessité de proposer une formation aux pairs-aidants. Par ailleurs, les usagers patients concernés ont fait des retours très positifs sur le fait de pouvoir être accompagnés par des pair-aidants, des personnes ayant vécu la même expérience qu’eux. Mais cette expérience a montré aussi ses limites car, si l'accent a été mis sur la formation de ces nouveaux professionnels, ils ont, par ailleurs, eu beaucoup de mal à se faire accepter par leurs collègues. D'autres expériences suivront, qui permettront de fixer des recommandations de bonnes pratiques.
En 1991, une équipe du Michigan a recruté et formé une vingtaine d’usagers en santé mentale, qui ont eu pour mission de faire le lien entre les différentes structures et organismes (Projet Wins). Ils se situaient comme des « amis conseillers » (« conselor-friends ») et accompagnaient les patients dans différentes démarches.
Mais la critique portait sur le fait que ces pairs-aidants avaient un statut et un salaire inférieurs aux autres professionnels soignants.
Du coup, même si leur travail leur apportait des gratifications (reconnaissance, estime de soi, sentiment de se sentir utiles), ils se sentaient dénigrés par les autres professionnels, surtout les plus anciens. Ce projet a mis ainsi en évidence la nécessité de proposer aux pairs-aidants un statut et un salaire correspondant à leur niveau réel de compétences.
En 1995, deux médecins de l’Etat de Pennsylvannie décidaient d’engager une recherche scientifique rigoureuse pour comparer le suivi de patients réalisés par deux équipes différentes, l’une composée exclusivement de pairs-aidants, l’autre de professionnels. Ce dispositif (projet Share) allait durer 2 ans.
L’étude révéla finalement qu’il n’y avait pas de différences significatives sur l’évolution des patients entre les deux équipes.
Cependant, les médecins constatèrent chez les pairs-aidants une habileté remarquable pour aider les patients à adhérer à leur traitement. Les pairs-aidants développaient aussi plus de contact direct avec les patients, notamment à leur domicile. Les médecins constatèrent aussi une diminution de la stigmatisation au sein des équipes, et une aide conséquente dans la restauration d’une estime de soi pour les patients suivis par les pairs-aidants.
Ils en conclurent que les pairs-aidants pouvaient être traités comme des intervenants à part entière, et que donc, leur salaire pouvait alors légitimement être aligné sur celui des autres professionnels.
L’organisme Recovery Innovations (RIAZ) a vu le jour dans l’Etat américain de l’Arizona comme service d’intervention de crise connu sous le nom de META. Au début des années 2000, la direction de cet organisme a pris la décision de transformer ce service pour lui donner une orientation axée sur le rétablissement. 65% à 72% des personnes recrutées étaient des pairs aidants, et ce, dans tous les niveaux de l’organisation (qui comptait plus de 225 personnes), dont 20% du personnel professionnel qualifié avait vécu l’expérience de la maladie mentale.
Cet organisme a adopté une philosophie du rétablissement axée sur l’éducation et offre des programmes d’éducation gérés par les usagers dans divers domaines, y compris le bien-être, l’accès au travail ou à l’éducation, l’acquisition d’habiletés pratiques et l’implication d’usagers dans les services comme personnel aidant.
Recovery Innovations (RIAZ) a depuis pris de l’expansion, ils sont notamment présents dans d’autres états américains (Californie, Caroline du Nord, Washington, Delaware). Ils collaborent également avec des organisations du Royaume Unis, d’Ecosse, de Nouvelle Zélande et d’Australie.
Ils ont aussi développé des services de soutien communautaire, de soutien au logement et de répit et d’hébergement (« peer run living room »), qui offre une solution de remplacement au centre de crise traditionnel en donnant aux utilisateurs de services en crise accès à un espace géré principalement par des travailleurs pairs aidants. Le succès de ce service a été attribuée à l’empathie que les travailleurs pairs aidants sont en mesure de témoigner aux utilisateurs de services et l’emphase qu’ils mettent sur la personne plutôt que sur le problème.
L’Etat américain de la Georgie a développé en 2008 un des premiers programmes de formation accrédité en recrutant et formant 385 « pairs-aidants », qui avaient pour objectif de favoriser chez les personnes accompagnées un processus de rétablissement.
Le système de santé mentale du Missouri a décidé d’axer son programme sur le rétablissement. Il soutient ainsi la reprise du pouvoir d’agir des personnes en leur permettant d’établir leurs objectifs de santé mentale et de gérer leur propre santé mentale par le biais de l’éducation et du soutien.
Pour réaliser cette transformation, le Missouri accorde autant d’importance à l’expertise de l’expérience vécue qu’à d’autres titres, qualifications et bases de connaissances et a du coup décidé d’embaucher des pairs aidants.
Le Canada est aussi un des pays qui a officialisé le plus rapidement l’embauche de pairs aidants salariés.
En 2000, le tiers des équipes de suivi communautaire (« Community Support System ») de l’Ontario comprenaient au moins un « pair-aidant ». Il est vrai que le système de soutien communautaire avait mis en avant dès les années 80 l’intérêt du développement de l’entraide mutuelle, et ouvert ainsi la porte à la reconnaissance de l’apport spécifique que les usagers eux-mêmes pouvaient amener dans la configuration des services.
Et depuis 2002, les programmes PACT (Program of Assertive Community Treatment) de suivi ambulatoire prévoient la présence d’au moins un pair-aidant (« peer support worker ») par équipe.
Le premier travailleur « pair-aidant » francophone, a été employé au Québec en 2005, à l’hôpital Robert Giffard.
Le plan santé mentale québécois 2005-2010 ayant préconisé que 30% des équipes de suivi intensif intègrent au moins un pair-aidant, un programme PAR (Pairs Aidants Réseau) a vu le jour peu de temps après, en 2006.
Porté par l’Association Québécoise pour la Réadaptation Psychosociale (AQRP) et l’Association des Personnes Utilisatrices de services de la Région de Québec (APUR), financé par le Ministère de la Santé et des Services Sociaux, ce programme PAR comprend 3 étapes : la promotion, la formation des milieux d’embauche, des usagers, ainsi que leur soutien.
En 2008, 13 structures d’accueil ont été préparées, 26 « pairs-aidants » ont été formés dont 13 ont été embauchés.
A ce jour, le programme PAR a formé de nombreux pairs aidants, dont certains travaillent dans des ressources communautaires ou des services hospitaliers. Certains sont consultants, comme c’est le cas de Luc Vigneault, qui travaille auprès de la direction de l’Institut Universitaire de Québec.
A Colchester, le programme STARS (Support Time And Recovery Service) vise à embaucher dans une équipe de suivi ambulatoire des personnes bénéficiant d’une allocation à cause de leur handicap psychique.
A Northampton, en 2003, le Département de Santé a pris la décision de recruter 3.000 pairs aidants pour qu’ils soient opérationnels en décembre 2006.
Il faut aussi parler de l’association « Together », ex MACA (Mental After Care Association), qui est une des plus anciennes associations de santé mentale du Royaume Uni, et qui propose l’intervention de pairs-aidants.
Ceci étant, il y a très peu de rapports publiés sur l’emploi de travailleurs pairs aidants au sein des services publics de santé mentale en Angleterre.
Un petit projet pilote a vu le jour dans le sud-ouest de Londres : 2 pairs aidants à temps partiel ont été recrutés au sein d’une unité psychiatrique de soins intensifs d’un hôpital. Les entrevues qualitatives réalisées avec les patients hospitalisés avant et à la suite de cette initiative ont révélé qu’il y avait eu une augmentation marquée des occasions où pouvoir parler de leurs propres expériences et que les patients croyaient nettement davantage à la possibilité d’un rétablissement pour eux-mêmes.
Un autre petit projet pilote a fait l’objet d’un rapport par des auteurs qui ont évalué l’expérience d’un service géré par un organisme communautaire (« Voluntary sector run service ») qui offrait du soutien par les pairs aux personnes utilisant les services d’intervention précoce de Nottingham. 2 travailleurs pairs aidants à temps partiel, sélectionnés sur la base de leur propre expérience d’utilisation de ces services d’intervention précoce, ont mis en place un groupe de rencontre sociale dans la communauté, facilité l’accès à l’intégration des usagers au sein des activités et des services et offert du soutien pour pouvoir se rendre à des événements sociaux ou musicaux, des clubs, des ateliers de musique ou d’autres activités, selon les requêtes des personnes référées à ce service.
Il est important de noter que le rôle du travailleur pair aidant n’est pas confiné seulement aux services de soins intensifs ou de réadaptation axés sur le rétablissement. Les travailleurs pairs aidants sont également employés dans les services spécialisés de santé mentale incluant les services destinés aux personnes en situation d’itinérance qui présentent des problèmes de comorbidité psychiatrique et d’abus de substances, les services de santé mentale destinés spécifiquement aux jeunes adolescents, les services destinés au traitement des toxicomanies et les services de psychiatrie médico-légale.
Le gouvernement écossais a récemment expérimenté l’embauche de travailleurs pairs aidants à la suite du succès enregistré par un projet pilote de soutien par les pairs.
Un rapport de recherche (2009) a fait le constat que les travailleurs pairs aidants ont été en mesure d’établir des relations accueillantes et empathiques permettant de surmonter la dynamique de pouvoir qui peut parfois se manifester dans une relation entre « personnel soignant » et « patient ».
Le climat de réciprocité engendré par le partage de l’expérience s’est révélé être un facteur important pour soutenir le processus du rétablissement en offrant de l’espoir pour les usagers d’une manière unique qu’aucune autre personne de l’équipe médicale ne pouvait offrir.
Enfin, il a été noté que malgré le chevauchement de certaines activités réalisées par les travailleurs pairs aidants avec celles d’autres intervenants offrant du soutien, le fait que leur relation est mutuelle encourage le pair aidant et l’aidé à travailler ensemble d’une façon différente qui serait complémentaire à celle qui gouverne les rapports avec les autres membres de l’équipe.
En 2008, sur un territoire couvrant une population d’environ 360.000 habitants, 8 pairs aidants ont été recrutés et ont permis, en 3 mois, de faire diminuer le taux de réhospitalisation de 12,3%, et de ce fait, d’éviter 300 jours d’hospitalisation.
Une trentaine de dispositifs de pair-aidance ont été mis en place, répartis sur 5 régions, même si la plupart des postes sont basés dans la région de Sjælland.
On peut citer l’association hollandaise Vriendendienst, (« le service d’amis ») qui recrutent et forment des volontaires encadrés et supervisés par des animateurs eux aussi formés.
Le métier de pair aidant n’est pas encore reconnu en Belgique.
Malgré tout, Psytoyens a proposé tout au long de l’année 2011 une formation destinée aux usagers. Cette formation pourrait à l’avenir servir de base à une formation spécifique.
En Allemagne, il n’existe pas encore de dispositifs recrutant et formant des pairs-aidants rémunérés.
Mais dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, on a repris et affiné le modèle déjà initié au Danemark sous le nom de « In-Gang-Setzer » (initiateurs) : des personnes qui ont une bonne expérience des groupes d’entraide se mettent bénévolement à disposition d’autres groupes pour les soutenir.
En Suisse aussi, des projets de « peer-support » ont vu le jour mais qui ne concernent pas la maladie mentale en particulier, mais plus les maladies chroniques au sens large.
En 2007, la Fondation Suisse Pro Mente Sana a mis sur pied un programme novateur.
En 2012, la Fondation Careum a lancé un programme de promotion d'autogestion des maladies chroniques reconnu au niveau international intitulé « evivo ». Des personnes vivant avec une maladie chronique suivent une formation, puis animent des cours et partagent leur expertise de gestion de la vie quotidienne avec d’autres malades chroniques.