Vivre à la rue quand on a un problème de santé mentale, c’est surajouter du stress et de la fatigue à sa situation, et souvent aggraver sa santé (tant mentale que physique), d'autant qu'il n'est pas toujours facile de respecter alors son traitement (même sous forme injectable)… Or, il suffit parfois d’un rien (perte d’emploi, divorce, dépression, surendettement…) pour se retrouver aujourd’hui dans cette situation.
Actuellement, il y aurait « plus de 100.000 personnes à la rue » selon l’anthropologue et psychanalyste Patrick DECLERCK, dont l’expérience auprès des sans-abris a duré plus de 15 ans (il a notamment cocréé la mission France de « Médecins du Monde », qui a proposé la première consultation d’écoute pour les personnes vivant à la rue). Expérience qui lui a aussi permis d’écrire des livres forts et incontournables (cf notamment « Les naufragés, avec les clochards de Paris », édité par Terre Humaine).
Pour autant, il n’est pas simple de proposer un accompagnement à l’insertion qui soit efficient, et non maltraitant. Un logement autonome par exemple n’est pas toujours adapté à quelqu’un qui a établi ses repères, y compris sociaux, dehors. Vouloir aussi absolument orienter vers un travail une personne qui ne travaille pas depuis très longtemps peut être prématuré, et provoquer plus de dégâts que de résultats positifs.
Il existe cependant en France tout un réseau de structures qui peuvent vous aider. Présentes dans des grandes villes comme dans des petites communes rurales, certaines de ces structures sont des simples lieux d’accueil pour offrir un café et une première écoute (cf par exemple La Moquette, à Paris, gérée par les Compagnons de la nuit, association créée par le Père Pedro MECA, malheureusement décédé en février 2015). Avec parfois la présence de bénévoles qui peuvent vous accompagner dans vos démarches. Et ce, sans vous brusquer et en respectant vos choix (et non choix).
Cela peut ainsi commencer par une simple prise de contact, une orientation, et se prolonger parfois par un accompagnement sur la durée, pour vous aider notamment à accéder à vos droits : domiciliation, recherche d’hébergement, démarches pour bénéficier des prestations sociales…
Certains de ces accueils proposent aussi des services (douches et buanderie), des repas, et divers ateliers, culturels notamment.
Avoir une adresse est aujourd’hui en France indispensable pour pouvoir accéder à ses droits civiques, civils et sociaux. Même si, avec la crise, le système est saturé, et le temps d’attente pour obtenir un RDV pour se faire domicilier parfois très long.
Vous pouvez être domicilié au sein de certains CCAS (Centres Communaux d’Action Sociale) et d’associations (Emmaüs, Secours Catholique…).
Cette domiciliation va aussi vous permettre de recevoir du courrier.
Elle est aussi souvent la première étape d’un accompagnement sur la durée. Qui commencera par des démarches sur l’accès à vos droits.
Numéro d’urgence national gratuit géré par le SAMU SOCIAL qui attribue, au jour
le jour, des places d’hébergement, généralement au sein de CHU (Centres d’Hébergement d’Urgence). Le problème étant que les lignes sont très souvent saturées, et les places d’hébergement
très vite remplies. Il faut donc s'armer de patience, et ne pas hésiter à renouveler l'appel plusieurs fois. Sans être pour autant sûr et certain d'avoir pourtant une place, surtout dans les
grandes villes, et notamment sur la région parisienne, très engorgée.
Lancée en 2012 par deux anciens sans-abri, cette association met en relation particuliers désireux d’aider et personnes à la rue, les aides pouvant être simplement matérielles (vêtements chauds, couvertures…) ou aller vers une proposition d’hébergement, de plus ou moins longue durée, mais sans qu’il y ait véritablement une coordination faite par l’association (ils ne vérifient pas par exemple la fiabilité de l’hébergeur ou si la personne sans-abri n’est pas trop dépendante à des addictions et/ou non stabilisée…). Ils ont ainsi créé un site internet qui sert de plate-forme à des annonces, et qui permet selon eux de gommer les lourdeurs administratives.
Par ailleurs, l’association a créé en parallèle un village de sans-abris dans un bois en Seine-et-Marne. C’est une communauté autonome, avec des roulottes et des tentes de camping, où certains restent un temps pour se reconstruire et partent en laissant leur place à d’autres. Depuis sa création en 2012, plus de 200 « locataires » sont passés par ce village atypique.
Diverses associations, voire équipes de soignants (cf l'équipe d'Alain MERCUEL de l'hôpital Sainte-Anne), font des maraudes, pour aller directement à la rencontre des personnes vivant à la rue, et leur apporter du soutien, humain bien sûr mais aussi dans des choses très concrètes (café chaud, soupe, sac de couchage, couverture, aide médicale…).
Les maraudes s’effectuent généralement de nuit, en petit groupe - les bénévoles arpentant les rues à la recherche des SDF pour passer un peu de temps avec eux, discuter, leur offrir un café ou les aider à trouver un centre d’hébergement pour la nuit…
Ci-joint quelques exemples d’associations qui organisent des maraudes, sur la région parisienne comme en province : Action Froid – Au cœur de la précarité – La Chorba – La Croix Rouge – Goélette – Miséricorde – Robins des rues – Samu social … et quelques vidéos.
Selon une enquête réalisée sous la direction de l’Observatoire du Samu Social de Paris, l’état de santé des personnes vivant à la rue s’est considérablement dégradé depuis le début des années 2000.
Déjà, une personne sur dix n’a pas de couverture maladie (10 fois plus que dans la population générale).
Un tiers des personnes SDF souffrent de troubles psychiatriques sévères (psychose, troubles de l’humeur, dépression et/ou troubles anxieux sévères). Les troubles psychotiques, majoritairement des schizophrénies, représentent la pathologie la plus grave et la plus fréquente. Les troubles dépressifs sévères sont comparables à ceux de la population générale. En revanche, le risque suicidaire est plus élevé, tout comme les troubles de la personnalité et du comportement.
La majorité des personnes vivant à la rue ayant des troubles psychiatriques ne sont aussi plus suivies, ce qui souligne la difficulté du maintien des soins.
Le comportement addictif (dépendance ou consommation de substances psychoactives comme l’alcool, les drogues ou les médicaments détournés de leur usage) concerne également plus de trois personnes sur dix.
Quant aux violences (tant physiques que psychiques, morales et sexuelles), les personnes à la rue les subissent également plus souvent que la population générale, et notamment plus encore lorsqu’elles ont un problème de santé mentale sévère.
La non acceptation des soins peut parfois se comprendre. Certaines personnes ne souhaitent pas être séparées d’un compagnon ou d’une compagne, d’une famille et/ou d’un animal, et refusent pour cette raison toute hospitalisation.
Elles peuvent aussi ne pas apprécier la vie en collectivité, avec ce que cela implique comme contraintes (promiscuité, levée matinal, douches obligatoires, non mixité, risques de vols…), voire comme contexte parfois violent.
Il peut y avoir également, de par le parcours personnel (placement dans l’enfance…), une méfiance généralisée vis-à-vis des institutions.
Par ailleurs, une offre de prise en charge est souvent une déstabilisation par rapport à une organisation qui peut paraître de l’extérieur bricolée, mais qui a été construite avec des repères pourtant importants (même si non apparents).
Les hospitalisations d’office et à la demande de tiers (SPDRE, SP et SPDT) sont souvent vécus violemment (à juste titre). Et pourtant parfois nécessaires, voire indispensables. Notamment lorsque la personne ne prend plus son traitement.
Après, il existe heureusement depuis une dizaine d’années des dispositifs médicaux adaptés à ce public – cf. notamment les EMPP (Equipes Mobiles Psychiatrie Précarité) et les PASS (Permanences d’Accès aux Soins de Santé). Voir plus de détails sur les pages dédiées.
Inspiré du programme anglo-saxon « Housing first » (initié au début des années 1990 aux Etats Unis puis un peu plus tard au Canada), le dispositif expérimental « Un chez soi d’abord » est un dispositif d’accès et d’accompagnement vers et dans le logement, où la personne est placée au cœur de sa prise en charge et impliquée dans toutes les étapes de l’accompagnement (cf. notion de « rétablissement »).
Le postulat de départ est simple : aujourd’hui, lorsqu’une personne en difficulté entame un parcours d’insertion, elle doit commencer par trouver un hébergement, des lieux de soins (ambulatoires ou hospitaliers) pour aller progressivement vers le logement temporaire, puis durable, faisant de ce dernier un objectif en soi.
Avec le dispositif « Un chez soi d’abord », le logement est un préalable à l’insertion et c’est dans le logement que s’effectuent le soin et l’insertion.
Pour ce faire, les suivis sociaux et médicaux ne se feront pas, comme à l’accoutumée, au bureau du référent social ou à l’hôpital : les professionnels se rendront au domicile de la personne à raison de 3 visites par semaine. Médecins, psychologues, éducateurs spécialisés constituent une sorte de garde-fou, une rampe de soutien, et peut-être, une rampe de lancement vers l’autonomie.
Lancé fin 2010 par le Ministère du Développement Durable, le dispositif a été programmé sur 4 sites : Lille, Marseille, Toulouse et Paris.
Près de 400 patients y sont déjà intégrés, le dispositif s’étalant sur plusieurs années et disposant d’un budget de plusieurs millions d’euros.
Dans la capitale, 100 logements seront proposés pendant 3 ans, sous forme de baux glissants, à des personnes sans abri ayant des troubles psychiques sévères, des addictions, et/ou sortants de prison.
Si le programme répond bien à un besoin auprès de ce public, il s’agit avant tout d’une recherche médicale avant d’être une solution d’hébergement ou de logement. Ainsi, 24 mois durant, une équipe de chercheurs visitera dans leur appartement les participants à l’expérimentation.
Sur Paris
Le projet est coordonné par l’association Aurore et l’Etablissement Public de Santé Maison Blanche (équipe de Tim GREACEN), qui géreront les logements et les suivis sociaux et médicaux des personnes. Ces deux structures coordonneront ce dispositif, dans le cadre d’un groupement momentané d’entreprise (GME), avec l’aide d’autres associations : l’Association des Cités du Secours Catholique, l’Association Charonne, l’Oeuvre Falret et le Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris.
Créée en 2007 par « Charlie » (ou plutôt Charles-Edouard VINCENT, au profil assez atypique dans le milieu associatif : diplômé de Polytechnique, des Ponts et Chaussées et de l’Université de Stanford), en partenariat avec Emmaüs France (à l’époque présidée par Martin HIRSCH) et Emmaüs Paris, l’association Emmaüs Défi propose un dispositif original pour les sans-abris, le travail à la carte. L’idée de départ était simple : il s’agissait de ne surtout pas brusquer les personnes sans-abri en leur proposant trop rapidement un contrat de travail, même à temps partiel, mais de leur permettre de ne travailler, dans un premier temps, que quelques heures dans la semaine (trois ou quatre heures), tout en commençant à côté à les accompagner dans leurs démarches. Dans la majorité des cas, les personnes prennent goût à cette reprise de travail, et demandent, au bout de quelques mois, à passer à un rythme plus intensif, souvent dans le cadre d’un CUI (Contrat Unique d’Insertion) de 24 heures.
L’activité principale d’Emmaüs Défi est la collecte, le tri et la revente d’objets usagés, dans des bric-à-brac parfois de taille imposante. En 2015, l’association s'est bien développée puisqu'elle compte 150 salariés, dont 110 en insertion.